Quand ça sature

Lorsque le ciel est bleu, comme en cette période estivale, il y a un phénomène qui me fascine toujours autant : on peut mieux observer les nuages avec des lunettes de soleil. Bien qu’on le remarque facilement, ceci apparaît surprenant dès qu’on y réfléchit un peu. Comme déjà expliqué sur ce blog, des lunettes de soleil agissent comme un filtre, c’est-à-dire comme un dispositif qui retire de la lumière. Alors comment peut-on voir plus avec moins ?

Certains détails des nuages sont discernables que si on baisse la luminosité avec des lunettes de soleil

Comprendre comment un capteur fonctionne

Pour comprendre ce mystère, il faut d’abord comprendre comment la lumière est transformée en image — que ce soit dans nos yeux ou dans un appareil photo. Il y a différentes étapes dans la production d’une image :

  1. L’environnement est baigné par des rayons lumineux provenant des sources primaires (Soleil, lampes, etc.) et réfléchis par les objets.
  2. Ces rayons ont une intensité : lorsqu’elle est faible la couleur est sombre, lorsqu’elle est élevée, elle est très claire.
  3. Ils frappent des capteurs (situés sur la rétine, ou à l’intérieur de l’appareil photo).
  4. Les capteurs transmettent un signal au centre d’analyse, qui reconstitue l’image (le cerveau chez nous, le processeur dans l’appareil photo)

L’étape qui va nous intéresser est la numéro 3, celle qui met en jeu les capteurs. Leur rôle est de récolter de la lumière pour convertir l’intensité récoltée en un signal électrique. C’est trop abstrait ? Il y a une analogie que j’aime beaucoup, c’est celle des verres d’eau.

On boit un p’tit coup ?

La lumière se comporte comme un flux, ce sont des photons qui avancent dans une certaine direction, avec une certaine intensité. C’est en fait la même chose qu’un cours d’eau ! En fait, quand on dit qu’un objet émet des rayons lumineux, on peut s’imaginer plein de tuyaux d’arrosage (partant dans toutes les directions) qui nous bombardent d’eau en permanence. Au lieu de récolter la lumière dans nos yeux, on récolte cette eau… dans des verres !

Imaginer un rayon lumineux comme un tuyau qui bombarde de l’eau : un capteur est donc comme un verre d’eau qui se remplit
  • Cette eau a une certaine intensité (s’imaginer la différence entre un robinet et un Kärcher), analogue de l’intensité lumineuse.
  • Cette eau a aussi une certaine couleur, correspondant à la couleur de l’objet qui émet la lumière.

Avec cette analogie, prendre une photo revient à présenter des verres pour récolter cette eau (cette lumière) pendant une courte durée [1]. En fin de compte, le processeur central analyse chaque verre et regarde son taux de remplissage. C’est ce taux qui va déterminer l’intensité lumineuse de la couleur perçue.

La luminosité (entre 0% et 100%) détermine la couleur perçue (ici en niveaux de gris)
Un pixel d’appareil photo, c’est comme un verre. Après être rempli d’eau, on regarde le niveau de remplissage, et cela détermine l’intensité lumineuse que ce pixel prendra dans l’image. Mais lorsque le verre est plein, comme à droite, toute nouvelle eau qui se déverse est perdue.

Mais lorsque le verre est plein, comme le dernier à droite, toute nouvelle eau qui se déverse est perdue [2]. On dit que le capteur sature, il ne peut plus rien recevoir d’autre. Cela peut poser problème lorsque différentes parties de l’image font saturer le capteur, alors qu’elles n’ont pas la même intensité. Un schéma abstrait va aider à comprendre ça :

Lorsqu’un capteur sature, des détails qu’il aurait dû voir sont effacés

Cette ligne correspond par exemple à l’intensité lumineuse d’une certaine bande de pixels de la photo. Tous les points qui sont dans la zone de saturation (au-dessus du seuil de tolérance) vont faire saturer leurs capteurs, qui vont donc renvoyer la valeur 100% (blanc). En réalité, il y avait des pics et des vallées dans ce signal, mais ces détails sont perdus.

C’est exactement ce qui se produit dans la photo du début. Le nuage est tout blanc (celui entouré en rouge), tel que perçu par un capteur qui sature, alors que si on ne saturait pas on pourrait constater des variations d’intensité. D’où l’intérêt des lunettes de soleil : abaisser l’intensité globale, et donc ramener le signal en-dessous de la zone de saturation.

Il y a toutefois un inconvénient. Les zones sombres, de faible intensité, vont être aplaties : on risque alors de perdre les détails des zones foncées. C’est tout le compromis de l’exposition en photographie : réussir à conserver le plus de détails à la fois dans les zones peu éclairées comme dans celles très éclairées. Quiconque a déjà pris une photo en plein soleil le sait [3] :

  1. Soit le sujet est bien et le ciel est tout blanc (on dit qu’il a brûlé) ;
  2. Soit le ciel est bien, et le sujet est tout sombre (en contre-jour).

Notes

[1] Cette durée est l’équivalente du temps d’exposition (parfois appelé vitesse d’obturation). Pour poursuivre l’analogie, l’ouverture correspondrait ici mettre un bouchon troué au-dessus du verre. Et finalement, la sensibilité ISO serait analogue à la taille du verre (plus il est petit, plus facilement il sature).

[2] Jusqu’à ce qu’on le vide. Et justement, un appareil photo a besoin de « vider » ce que les capteurs ont récolté pour prendre une nouvelle photo. Ceci explique que la vitesse des rafales de photo soit limitée par la vitesse d’obturation.

[3] À noter l’utilisation de plus en plus répandue de la technique dite HDR, pour High Dynamic Range, qui permet combine ensemble des photos sur-exposées (pour voir le sujet) et sous-exposées (pour voir le ciel) en une seule photo composite où tout est visible (mais le résultat a généralement un air un peu surnaturel…) Voir l’article Wikipédia.

Le prêt-à-culturer

En début d’année, alors que le tsunami du coronavirus ne s’était pas abattu sur nous, deux expositions ont été victimes de leur succès : Tolkien à la BNF, et Leonard au Louvre. Tandis que la première a très rapidement épuisé son stock de places disponibles, la seconde a laissé entrer des hordes de visiteurs jusqu’à rendre la visite très désagréable. Ceci est peu surprenant, quand on connaît l’intérêt du grand public pour les génies en général [1], et pour l’œuvre de ces deux grands hommes en particulier. Je ne souhaite pas ici discuter de ces expositions, mais plutôt de ce que ces expériences révèlent de notre rapport aux musées. J’ai depuis quelques temps l’impression que le grand public utilise les musées comme des morceaux de culture mis en boîte, standardisés et prêts à être consommés. Bref, une forme de prêt-à-culturer.

https://www.letelegramme.fr/images/2019/10/23/expo-voyage-au-pays-de-tolkien-a-la-bnf_4872832_676x338p.jpg?v=1

Une valeur petite-bourgeoise

Dans une exposition de nos jours, la moitié ou plus des visiteurs semble davantage intéressée par le potentiel instagrammable de l’expérience que par la visite elle-même. Ceci relève d’une mise en scène de soi, facilitée par les réseaux sociaux, mais qui a probablement toujours existé. Par exemple, l’apparition des cabinets de curiosités à la Renaissance signale la forte valeur sociale apportée par le bon goût culturel. Et le fait qu’ils étaient réservés à l’origine à une élite — une aristocratie — a une conséquence importante : il suffit de feindre un intérêt pour les curiosités culturelles pour se faire passer pour quelqu’un de distingué [2]. Dans ses Mythologies, Roland Barthes expliquait que la classe petite-bourgeoise se caractérise par une volonté de ressembler à la véritable bourgeoisie, en lui empruntant, sans les maîtriser, ses codes, usages, et apparences. Voilà expliqué cyniquement l’attrait des masses pour les musées : se donner des airs bourgeois.

Camarade (petit) bourgeois | Courant Anarchostalinien

Le besoin de sélectionner

Les musées, soumis à la pression financière comme n’importe quelle autre institution, ont bien compris qu’ils avaient intérêt à jouer sur ce tableau. Alors que les divertissements traditionnels périclitent au profit des nouvelles plateformes dont Netflix et YouTube sont les fers de lance, les musées profitent de leur aura culturelle pour continuer à attirer les visiteurs. Seulement, à trop démocratiser, l’expérience muséographique se transforme au profit du plus grand nombre mais au détriment des passionnés. C’est la malédiction de la popularité : lorsqu’on diffuse un produit ou service au plus grand nombre, on est souvent obligé de faire des concessions.

Dans notre société de l’hyper information, le problème n’est plus l’accès à l’information, mais l’accès à la bonne information. Chacun peut trouver à peu près n’importe quoi sur Internet. Quand il conçoit sa prochaine exposition, un musée doit donc opérer un choix, un tri, parmi toutes les informations potentiellement disponibles, afin de nous les rendre intelligibles (et intéressantes !). D’où l’importance du commissaire de l’exposition, qui conçoit une grille de lecture pour comprendre au mieux le message proposé. L’appellation anglaise de curator est d’ailleurs très intéressante (« sélectionneur de contenu ») [3], puisqu’elle exhibe le rôle qu’il joue.

Finalement, l’intérêt principal d’un musée devrait être de susciter la curiosité. En sortant d’une exposition, on devrait vouloir en apprendre bien plus, et se rediriger vers des livres, Google, Wikipédia… bref la visite d’exposition ne doit pas être conçue comme une fin, mais presque comme un commencement.

Un musée du selfie va ouvrir à Los Angeles
Quand la seule raison d’aller au musée est de prendre des selfies, le sujet n’est plus l’œuvre mais bien le visiteur

Donc la prochaine fois que vous allez au musée, ne faites pas comme les badeaux qui en sortent avec un sentiment de satiété (« ça y est, j’ai rempli mon quota de culture ! ») : dans cette métaphore gastronomique, le musée ne doit pas jouer le rôle du plat principal, mais celui des hors-d’œuvre [4].


Notes

[1] Notons que l’emballement médiatique et populaire autour de la figure du Pr Raoult relève en grande partie de cette même fascination pour les individus géniaux, c’est-à-dire qui se distinguent de la masse.

[2] Phénomène à mettre en parallèle avec les entreprises qui prétendent s’intéresser aux causes éthiques tendances (écologie, commerce équitable, discriminations etc.) dans le but premier d’augmenter leurs ventes — en gagnant en « capital sympathie » auprès des consommateurs. C’est ce qu’on appelle le signalement vertueux.

[3] Le mot curation existe bien en français, mais c’est un emprunt à l’anglais.

[4] L’article Wikipédia sur les hors-d’œuvre est très intéressant. Faisant partie du début du cérémonial du repas, ils sont constitués de mets raffinés, sélectionnés avec soin… l’analogie avec les musées est donc parfaite !

Le futur des imprimantes 3D

Depuis leur démocratisation au cours de la dernière décennie, les imprimantes 3D ont annoncé une nouvelle révolution industrielle. Leur proposition est de ne plus fabriquer des objets par soustraction de matière (penser à un sculpteur qui érode petit à petit le marbre, ou la découpe du bois qui retire les parties non désirées), mais par addition. En effet, leur principe de fonctionnement est assez simple : une buse vient déposer du plastique liquide (et donc chaud) en partant d’une surface plane (appelée lit d’impression) et en remontant au fur et à mesure, couche par couche.

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Vidéo accélérée d’une impression 3D

Dès les débuts, la plupart des commentateurs attendaient les avantages suivants :

  1. Moins de gâchis de matière, puisqu’on ne consomme que ce qui est nécessaire
  2. La fabrication à la demande [1], qui minimise les problèmes liés au stockage
  3. La possibilité de personnaliser les objets fabriqués, pour répondre à des désirs précis

Mais malgré cette belle liste d’avantages, les imprimantes 3D ont encore du mal à se faire une place dans les foyers. Pourquoi la révolution annoncée n’aura pas lieu ? — ou si elle a bien lieu, ce n’est pas ici qu’il faut la guetter [2].

Quand les avantages n’en sont pas

En fait, chacun des 3 avantages précités ne résistent pas à une confrontation à la réalité, telle qu’observée sur le terrain. Reprenons-les dans l’ordre.

Moins de gâchis ? En fait, pas tant que ça. En effet, l’impression 3D présente deux écueils. Le premier est le fort taux d’impression ratée pour des raisons techniques [3]. Quand on veut imprimer un objet, on finit souvent par le réimprimer de nombreuses fois (peut-être une dizaine !) jusqu’à ce qu’il soit utilisable. Par ailleurs, la plupart des formes requièrent d’imprimer des pilier de support, un peu comme des échafaudages — pour ne pas imprimer dans le vide !

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Exemple d’impression avec piliers de support. Certains logiciels se vantent d’optimiser les supports pour minimiser les gâchis !

→ Fabrication à la demande ? Oui certes, mais les temps d’impression se comptent en dizaines ou vingtaines d’heures même pour des objets pas très gros ! On est loin de l’imaginaire de l’imprimante de bureau à laquelle on pense. Cela suggère qu’il est souvent plus pratique de faire appel à une entreprise spécialisée (un fablab par exemple) pour faire imprimer l’objet qu’on désire. Du coup cet argument est correct, mais ne justifie pas une adoption massive par les foyers.

→ Personnalisation des objets ? C’est un argument usé jusqu’à l’os mais qui, hormis certains cas spéciaux, est selon moi surestimé. En effet, personnaliser un objet requiert de maîtriser les logiciels de modélisation 3D — expertise longue à acquérir, et donc limitée à un petit nombre de gens.

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Fusion 360 est un logiciel de conception industrielle très prisé par les aficionados de l’impression 3D

Mais là où le bât blesse, c’est que bien souvent, la personnalisation est inutile ! En effet, à part quand on imprime des objets de déco — et donc que le problème relève davantage de fibre artistique — la plupart des objets imprimés sont des gadgets. Il suffit de rechercher des listes d’impressions 3D utiles pour se rendre compte que ces objets n’ont pas du tout besoin d’être personnalisés, et qu’ils n’ont souvent pas grand chose de vraiment utile. Un porte-casque, une boîte, un support à téléphone portable, un bloc-porte… Voici l’utilité de la révolution annoncée. Perdre une dizaine d’heures à chercher, télécharger, ajuster, transférer et imprimer un objet qu’on aurait pu trouver pour moins cher à Ikea [4]. Le comble de l’inutilité mise en abyme : l’un des exemples canoniques d’impression « utile » est le support à cartes SD… cartes SD destinées à stocker les fichiers pour l’impression 3D.

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Finalement, les imprimantes 3D à la maison servent surtout à imprimer des objets inutiles mais drôles.

Les imprimantes 3D ne sont pas des imprimantes

En fait, je pense que le malentendu provient de l’appellation d’imprimante. Une imprimante 3D n’est pas vraiment similaire à une imprimante classique. Il y a en effet d’autres différences majeures, structurelles dirais-je, qui ont été occultées lorsqu’on a nommé ces nouvelles machines « imprimantes 3D ».

  • Toute la société civile est organisée autour de documents papiers (formulaires etc.), il y a donc un besoin préexistant pour l’impression de documents papier — comme les attestations de déplacement dérogatoire nous l’ont rappelé à tous
  • Avant l’apparition des imprimantes, les gens avaient quand même l’habitude de produire des documents papier — mais si, l’écriture manuscrite, tout ça. Or avant l’apparition des imprimantes 3D, qui s’amusait à fabriquer des objets chez lui ? Les passionnés, uniquement.
Benjamin Gates : Juste avant le cinglé, qu'est-ce que tu as ? Le passionné.

Voici donc le futur que j’envisage, un marché de niche, un public qui pratique un hobby. Est-ce si grave que l’imprimante 3D ne soit pas destinée au grand public ? Bien au contraire ! Comprendre son marché permet de s’adapter à ses besoins. Quand on voit le nombre d’imprimantes livrées en kit, réservés aux clients motivés, on se dit que les fabriquants l’ont compris.

Finalement, j’aime comparer cette situation à celle du potager à la maison. En temps normal (c’est-à-dire en dehors du coronavirus…), et pour une majorité de gens, il est bien plus pratique de se fournir en légumes au supermarché ou chez le primeur. Mais pour quelques passionnés, cela fournit un passe-temps non seulement agréable, mais qui a aussi le bon goût d’égayer leur vie de tous les jours. Que ce goût soit littéral, comme pour le potager, ou figuré.


Notes

[1] Ceci relève du principe de gestion juste-à-temps (aussi appelé flux tendu), popularisé par Taiichi Ono chez Toyota à partir des années 1950.

[2] Elles présentent quelques intérêts indéniables pour l’industrie. On peut citer la possibilité de fabriquer des formes très difficiles à réaliser par les procédés classiques de découpe ou sculpture, ou les très faibles coûts de prototypage. Enfin, dans le milieu médical, elles permettent, lorsqu’elles sont couplées à de la capture 3D, de fabriquer des prothèses adaptées exactement à la morphologie du receveur.

[3] Parmi les problèmes qui peuvent mener à une impression inutilisable, on peut citer : la rétraction du filament, la vitesse d’extrusion, le taux de remplissage, le type de filament… Bref, beaucoup de technicité, ce qui explique que ce soit pour le moment réservé aux passionnés.

[4] Bien souvent, pour les objets simples, ils coûtent moins cher chez Ikea que si on les imprime chez soi, et ce en ne considérant que le prix du filament de plastique. Et lorsqu’on rajoute le prix de l’imprimante elle-même (plusieurs centaines d’euros), le nombre de tentatives ratées, le filament perdu pour les supports, et le coût de l’électricité, on se retrouve vite avec une facture inutilement élevée.

Résoudre des labyrinthes avec Photoshop, c’est possible

J’ai récemment découvert qu’on pouvait utiliser Photoshop pour résoudre des labyrinthes. Quelle surprise ! Cela prend moins d’une minute (sauf si on se perd dans les menus de Photoshop…) et ne requiert que des fonctionnalités basiques. Vous vous demandez comment c’est possible ? Ça tombe bien, on va expliquer tout ça.

Pour nous aider, il faut se demander ce qu’est un labyrinthe — ne paniquez pas, cette question n’a rien de philosophique (pour une fois). C’est un bloc qui a une entrée, une sortie, et des tas de culs-de-sac. Bien. À quoi cela nous mène d’écrire une telle évidence ? À prendre conscience qu’on peut dire qu’en somme, un labyrinthe, c’est un chemin principal (de l’entrée à la sortie, donc la « solution ») entouré par deux blocs de murs qui vont un peu dans tous les sens.

Et là c’est intéressant : quand on traverse le chemin principal, on peut faire comme si on était entouré à gauche et à droite par un mur — auquel cas le labyrinthe serait évident, il suffirait d’aller « toujours tout droit ». Bien sûr ce mur a plein de trous, qui mènent vers d’autres chemins, mais ce sont des distractions. On pourrait même s’imaginer qu’ils n’existent pas, qu’on est entouré de deux blocs solides (et non percés de plein de chemins).

Cela se comprend si on s’imagine comment on crée un labyrinthe. Le plus simple est de partir d’un carré plein, de « percer » la solution puis de lui rajouter des tas d’embranchements qui ne mènent nulle part.

Labyrinthe de départ. Sauriez-vous le résoudre sans la solution ?
Si on traverse le chemin solution du labyrinthe en ignorant les autres, c’est comme si on était entouré par un gros bloc massif sur notre gauche, et un sur notre droite ; les autres chemins ici sont floutés pour montrer qu’ils ne sont pas pertinents.

Et c’est exactement ceci qui va nous aider à résoudre notre labyrinthe sur Photoshop : on va boucher les trous qui ne mènent nulle part.

Continuer la lecture de « Résoudre des labyrinthes avec Photoshop, c’est possible »

Sommes–nous obsédés par l’optimisation ?

Depuis pas mal de temps, il semblerait qu’une frénésie d’optimisation ait gagné la société. Alors qu’à l’origine on s’intéressait surtout aux coûts, maintenant, tout le monde veut optimiser tout, tout le temps : la façon de travailler, les décisions qu’on prend, le choix de partenaire, etc. Je pense que le mot optimal — et ses variantes — sont souvent utilisés à tort et à travers. Les lecteurs réguliers du blog savent à quel point le sens des mots m’importe. Il ne pourrait en être différemment du mot optimisation, puisque c’est un mot très présent en maths [1].

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Tout d’abord un petit point de vocabulaire. Il y a souvent une confusion sur les mots optimal et optimum. Il se trouve que le premier est un adjectif, l’autre un nom (substantif). Tout comme pour minimum et maximum, d’origine latine, la règle de la terminaison est :

  • _um → nom singulier
  • _a → nom pluriel [2]
  • _al/_ale/_aux/_ales → adjectif (qui suit les règles d’accord en genre et en nombre)

Ainsi on peut parler d’un maximum ou alors de valeur maximale. Maintenant que ceci est clair, passons au vif du sujet.

Vous avez dit optimiser ?

L’optimalité est un concept mathématique. L’avantage des maths, c’est que les mots y ont un sens précis. En l’occurrence, l’optimisation concerne les fonctions [3]. Inutile de s’appesantir sur ce concept, ce qui compte — et en simplifiant — est que les fonctions prennent un nombre infini de valeurs. Et dans ce cadre, optimiser une fonction, c’est une idée très simple : trouver, dans cette infinité de valeur, la plus grande [4].

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Exemple de fonction avec son maximum et son minimum

L’important pour parler d’optimalité est d’être sûr que la valeur est bien meilleure que n’importe quelle autre valeur possible. Que n’importe quelle autre possible. Bon, en fait, quand on parle d’optimalité, on doit préciser quel ensemble des valeurs possibles on considère. Mais dans la plupart des cas — en maths, cela est assez évident. Et si ce n’est pas évident, il faut le préciser.

Choisir entre la peste et le choléra

Or, on entend fréquemment des propos tels que : « entre ces 3 options, la première est optimale. » Deux possibilités :

  1. Il n’existe vraiment que 3 solutions possibles, et aucune autre. Ce serait surprenant, et donc tout esprit critique qui se respecte doit se demander pourquoi. Ainsi la personne qui présente ces 3 options devrait clairement expliquer pourquoi il ne peut y avoir aucune autre possibilité [je liste cette éventualité par pur désir d’exhaustivité, car en fait ce n’est que très rarement le cas]
  2. Ou bien, plus vraisemblablement, il en existe d’autre. Pourquoi les avoir occultées ? Ce choix n’est probablement pas volontaire [5], il résulte sûrement d’une volonté de cadrer le raisonnement.

Dans le cas numéro 2, la personne qui parle voulait probablement dire meilleure, et c’est le mot qu’elle aurait du utiliser. Cela m’embête pour deux raisons. La première est que j’ai l’impression que ça relève du sciencewashing — je ne sais pas si le mot existe, du coup je l’invente là, maintenant. C’est comme le greenwashing, sauf qu’au lieu de nous conférer une autorité morale (grâce à l’environnement), cela nous confère une autorité intellectuelle par l’utilisation, abusive, d’un jargon scientifique. Or on sait à quel point les gens peuvent se faire avoir par des discours jargonnants mais vides de sens.

La seconde est que dire optimal suggère qu’on était dans le cas numéro 1, qu’il n’y a aucun autre choix possible. Non seulement cela rend insensible aux potentielles failles dans le raisonnement, mais aussi laisse une impression de choix du type « peste ou choléra ? » qui enferme l’esprit et l’empêche de réfléchir à d’autres alternatives — ce qu’on appelle en anglais to think outside the box.


En conclusion, méfions-nous des utilisations abusives des mots optimal et optimiser. Prenons un dernier exemple, dans le monde de l’entreprise. Quand les chefs d’un service veulent « optimiser » son fonctionnement, ils souhaitent en fait l’améliorer selon les critères qu’ils pensent être désirables. Mais si jamais ils se trompent quant à la pertinence de leur analyse — et cela est très fréquent — rien ne garantit l’efficacité des mesures adoptées.

Notes

[1] Je ne compte pas le nombre de cours qui s’appellent « Optimisation blablabla » que j’ai eus au fil de mes études.

[2] L’orthographe rectifiée de 1990 accepte optimums (au lieu d’optima).

[3] C’est donc un sous-sujet de ce qu’on appelle l’analyse.

[4] En fait, mathématiquement, optimiser peut vouloir dire trouver la plus grande ou la plus petite valeur… Cela peut paraître surprenant qu’un mot mathématique puisse vouloir dire une chose et son contraire, mais en fait le contexte permet presque toujours de savoir si on cherche la plus grande ou la plus petite valeur. Et pour ceux qui se demandent pourquoi une telle ambiguïté, c’est tout simplement parce que trouver la plus grande ou la plus petite valeur, c’est presque exactement le même problème. En effet, la plus grande valeur d’une fonction f est la plus petite de son opposée –f.

[5] Je pense que cela relève surtout d’un manque de ce que j’appelle l’imagination logique, c’est-à-dire la faculté à s’imaginer les conséquences logiques d’une situation donnée.

Naissance

Nouvelle décennie, nouveau blog.

Comme tout nouveau-né, il a fallu lui trouver un nom. De préférence un nom qui évoque le (futur) contenu (à défaut de pouvoir trouver une combinaison de sons qui sonne bien) du blog. Sauf que s’il y a bien une chose que mes quelques mois à publier sur Medium m’ont appris, c’est qu’il est difficile de trouver un thème central concernant mes posts.

Après d’interminables tergiversations et conseils chaotiques [1] pour trouver un nom de blog, je suis à peu près certain que je finirai par regretter un jour où l’autre ce choix. Mais il faut bien se jeter à l’eau un jour ou l’autre. Et aujourd’hui est le jour idéal.

Pourquoi ? Outre le fait qu’on vient de célébrer le changement de décennie [2], aujourd’hui est un jour spécial. Nous sommes le 2 février 2020, soit le 02/02/2020, et ce que ce soit avec la notation européenne des dates qu’avec l’américaine ! Pour ceux qui ne l’auraient pas repéré, 02022020 est un palindrome, c’est-à-dire un « mot » qui se lit pareil de gauche à droite ou de droite à gauche, un peu comme kayak. Ce mot-nombre à même d’autres propriétés intéressantes :

  • il n’est composé que de 2 chiffres (0 et 2) qui sont tous les deux présents en quantités égales (4 de chaque), quantité qui est elle-même une puissance de 2 ;
  • il est composé de 8 chiffres, ce qui est égal à la somme de ses chiffres (0+2+0+2+2+0+2+0 = 8) ;
  • c’est le seul « palindrome universel » (valable pour la notation européenne et américaine) de la décennie ! Par exemple en 2021 on doit avoir 12/02 qui peut soit vouloir dire 12 février chez nous ou bien 2 décembre chez les américains… etc.

Bref, un jour particulièrement intéressant pour quelqu’un comme moi.

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Parlons maintenant du nom du blog. Idées transverses, pourquoi ? Pour capturer deux points fondamentaux de mes posts :

  1. Mon blog insistera sur la transversalité des concepts. Je pense que les différents champs de connaissance se nourrissent entre eux. Ainsi en lisant le blog, voire un seul article, vous pourrez découvrir des notions de maths, de science, d’informatique, d’économie, voire de linguistique (et beaucoup de critiques sur la société) [3]
  2. La plupart des médias écrits (blogs ou journaux en ligne) ont des sujets motivés par l’actualité. Chez moi, c’est différent : je parle de plein de choses différentes, que je trouve passionnantes (évidemment) mais qui n’attireraient pas forcément votre attention en temps normal.

Bref, le blog est un moyen de partager ce que je trouve intéressant, et une tentative de le rendre intéressant au plus grand nombre — bon et je l’avoue, surtout un endroit où me plaindre des absurdités que j’observe.

Quant au changement de plateforme, il est motivé par les limitations (et quelques frustrations) posées par Medium. Medium est une super plateforme pour écrire des articles d’opinion, mais lorsqu’on n’écrit pas sur un sujet tendance, elle ne rapporte pas beaucoup de lecteurs. J’ai donc décidé de m’en libérer et d’héberger le blog moi-même.

Mise à jour du 12 février

Les anciens articles ont maintenant été réintégrés au site !

Notes

[1] Il est d’ailleurs souvent très désagréable de demander conseil à plusieurs personnes, car on obtient toujours des conseils contradictoires. À qui se fier ? Et que faire lorsqu’on n’a pas d’avis personnel tranché ? C’est un des mystères de la vie…

[2] Certains relèvent que techniquement, la prochaine décennie devrait commencer en 2021 (puisque le calendrier n’a pas d’an 0), mais en bon informaticien je m’insurge.

[3] Liste non exhaustive inspirée par mon activité passée sur Medium.

Le portrait de Dorian Gris

Regardez cette étrange image que j’ai créée pour vous. D’abord de près (ou en grand), puis de loin (ou en petit, ou en plissant des yeux). Vous pourriez être surpris, et même peut-être gêné… Si tout se passe bien, vous devriez distinguer le visage d’un homme qui, petit à petit, se métamorphose en femme. Comment expliquer ce sortilège ? Illusion d’optique ? Pas vraiment — en fait pas du tout, et c’est ce que nous allons voir dans cet article.

Photo à regarder d’abord de près (ou en grand), puis de loin (ou en petit, ou en plissant des yeux). Surprenant !

Pour bien comprendre le phénomène en jeu, on va devoir expliquer la décomposition spectrale des signaux. Ne partez pas ! Derrière ce nom barbare se cache une idée très simple et intuitive. Si si je vous jure ! Vous la rencontrez tous les jours sans vous en apercevoir. Faisons un petit détour par la musique pour comprendre.

Combinaison de fréquences

Au collège, on apprend qu’une note de musique n’est rien d’autre qu’une pulsation qui se répète avec une certaine fréquence. Plus la fréquence est élevée, plus la note est perçue comme aiguë, et réciproquement, une fréquence basse donne une note grave. C’est par exemple à ça que correspond le 440 Hz du diapason qui donne le La. La fréquence correspond au nombre de pulsations en une seconde, et on peut par exemple représenter le signal audio de la sorte :

De gauche à droite, les fréquences vont grandissant. Les plus malins reconnaîtront la fonction sinus [1] sur ces graphes, et ils auront raison : une fonction sinus représente ce qu’on appelle une onde pure, une note qui se déploie dans l’éternité des temps passés et futurs.

Regardons à présent ce qui se passe quand on additionne deux fréquences, l’une basse, l’autre haute.

On a comme l’impression que la fréquence haute s’enroule autour de la fréquence basse. En fait, on peut même remarquer deux propriétés intéressantes :

  • Si on dézoome, c’est-à-dire qu’on regarde de loin, le signal résultant ressemble énormément à la fréquence basse : on ne distingue plus les détails apportés par la fréquence haute
  • Au contraire, lorsqu’on regarde de près, on ne se rend plus compte de la forme globale donnée par la fréquence basse : ce qui est visible ressemble beaucoup à la fréquence haute

On a trouvé là le secret qui rend possible l’effet des visages : un signal livre ses fréquences hautes quand il est observé de près, et ses fréquences basses quand on le voit de loin. Mais vous allez sûrement vous demander : quel rapport avec les images ? Il n’y a pas de notion de fréquence à ce que je sache ? Eh bien, si !

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